lundi 23 juillet 2007

Tijuana - Les maquiladoras, zone de non-droit du travail

Jaime Cota est le fondateur de la CITTAC, une organisation qui aide les travailleurs des maquiladoras de Tijuana à faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Je l’ai rencontré ce week-end, à l’occasion d’une visite organisée par un syndicat américain de San Diego.

LA C. : Qu’est-ce qui fait des maquiladoras de Tijuana des industries à part au Mexique?

J.C. : Vu l’importance économique de la frontière, les autorités acceptent de fermer les yeux sur des pratiques illégales. Par exemple, un bon nombre de ces entreprises ne respectent pas les réglementations sur la pollution. Alors que 85% des employés des maquiladoras sont des femmes, le harcèlement sexuel, très courant, reste souvent impuni. D'une manière générale les ouvriers des maquiladoras sont beaucoup moins bien payés et moins protégés que les employés des autres industries mexicaines. Ils ne sont souvent pas déclarés, et ne peuvent par conséquent pas bénéficier de la sécurité sociale.

LA C. : Qu’avez-vous obtenu en poursuivant ces entreprises ?

J.C. : Il est presque impossible de gagner face aux multinationales au niveau légal. Ce n’est souvent pas faute de preuve, mais la corruption est telle au niveau des tribunales laborales (les prud’hommes mexicains, NDR) que ces entreprises s’en sortent toujours. Notre camarade Rosa, une ouvrière de l’usine ACORN qui s’était vu reconnaître 40.000 Pesos d’indemnisation après des années de procédures, n'a jamais vu la couleur de cet argent.

LA C. : Comment pourrait-on protéger davantage les employés des maquiladoras ?

J.C. : Le droit du travail mexicain est assez élaboré. Respecter les lois actuelles serait déjà un progrès considérable. Il faudrait par exemple que les travailleurs puissent être représentés par leurs propres syndicats et non des organisations fantoches, avec des avocats de la direction comme délégués syndicaux. Une nouvelle loi devrait bientôt interdire les tests de grossesse avant l'embauche, une pratique courante ici.
Nous aurions cependant besoin de réglementations plus strictes pour nous aider à prouver que certains produits chimiques ont des effets négatifs sur les travailleurs, sans attendre trente ans, quand que tout le monde est déjà malade ou mort. Du fait de la sous-traitance en chaîne, les employés ignorent souvent totalement la nature des produits qu’ils manipulent. Dans ce genre d’usine, les ouvriers sont pris à l’essai : ils ne sont engagés que s'ils ont réussi à travailler au milieu des effluves chimiques, sans avoir jamais vomi de la journée.

(Propos recueillis et traduits par Matthieu Fauroux, auteur de LA Comunidad)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Assez édifiant!!
Ce que nous retirons de ton interview, c'est comme le dit ton interlocuteur, le rôle que pourrait avoir des syndicats et non des organisation fantoches.
On voit encore une fois de plus que nous oublions nous autres salariés francais, qu'il y a des pays ou l'on meurt pour avoir assuré une charge de responsable Syndical.
Tout comme le droit de vote, l'école pour tous, la justice pour tous, la santé pour tous,le droit de manifester, de s'organiser en partis politiques, la liberté d'expression, les citoyens de notre beau pays,pensent que le droit de défendre ses droits dans l'entreprise est une chose acquise, que les syndicats ne sont que des empêcheurs de tourner en rond, ou alors des vendus.
Pourtant, tous les jours dans des proportions qui n'ont (pour l'instant) rien à voir avec celles que rencontre nos camarades Mexicains, des atteintes à nos droits fondamentaux sont perpétrées par l'état et par nos patrons.
Nous pourrions citer des centaines de procédures de harcèlement, de licenciement, de boulot ou les heures suplémentaires ne sont jamais payées ni récupérées (70 de travail / semaine).
Les principales victimes: les femmes mères isolées, les immigrés, les jeunes.
Pendant ce temps, et c'est une réalité, les grandre centrales syndicales se concentrent sur les entreprise ou elles sont majoritaires, oubliant délibérèment les petites entreprises, la grande distribution, l'intérim, les services.
Triste.
Ainsi, chez Air France, le secrétaire général d'un syndicat dont le sigle comprend trois lettres et qui n'est pas SUD, déclare sans sourciller "les salariés d'Air france glissent à droite, nous nous devons de les suivre..."
Il est loin le temps du vrai syndicalisme.
Une dernière anecdote:
pour avoir bossé dans une colonie francaise d'Amérique du Sud, les patrons du batiment y embauchaient des travailleurs sans papiers Brésiliens et Haïtiens.
Eh bien les jours de paie, certains d'entre eux invitaient en plus des ouvriers, les service de police et de gendarmerie...ca diminuait les charges.
Et c'était l'état qui prennait en charge les expulsions, en toutes connaissance de cause, bien sûr.

Hasta la victoria Siempre...